[...] Le lendemain au bord de la route : « Tu vois maintenant le pipeline ? Tu ne le quittes sous aucun prétexte, il te guidera en Chine. »
Sur la route, c’est l’aventure la vraie, celle qui s’impose dans un environnement qui n’a plus rien de connu, où chaque moment est un engagement, où chaque jour est une surprise. Seul, isolé dans ce bout du monde où l’asphalte n’a pas encore remplacé la piste, pour lequel la carte est vide de toute trace et qui pourtant est bien réel. Étranger parmi les étrangers, j’évolue dans un mélange obligé de russes, afghans et chinois, pour un travail en commun : la construction du pipeline reliant la Chine au Kazakhstan. Sa mise en oeuvre est réalisable grâce à une ouverture du massif montagneux percée par des vents violents venus de Chine : la porte de Dzoungarie.
Un poste frontière existerait donc ? Ce matin je porte mon tee-shirt porte-bonheur, celui dont un morceau noué repose sur la tombe de Jim Morrison. Celui du voyage au Vietnam en 99. Déjà refoulé au poste frontière de Korgas, je suis cependant prêt et sans crainte. Je parcours cette longue ligne droite de 180 kilomètres qui me relie à mon objectif !
Au bout de la route, le poste frontière Chinois de Druzba : j’essaie de cacher mon émotion. J’ai en main le document de déclaration des douanes enregistrant la moto, pas d'autre formalité, pas de permis requis, pas d’autorisation spéciale, pas de dessous de table. Le douanier brûle de curiosité :
— La procédure est terminée, une dernière question : vous faites le tour du monde ?
— Ah! C’est à cause de mon logo...? Non, mon but est d’aller en Chine !
— Vous y êtes, soyez le bienvenu, bon voyage chez nous !
Je rejoins la moto d’une démarche incertaine et m’éloigne du poste frontière. Je pense à celle qui m’a porté en avant. Je pense à Franck qui m’a montré la voie. Je pense à toutes celles et ceux qui ont cru à mon entrée en Chine avec la moto.
Vous aviez raison ! Les cœurs purs trouvent toujours la voie ! [...]