[...] Le lendemain, dans les montagnes aux doux sommets tendus de velours vert, sur le plateau se fondant dans la brume, je joue avec des yacks familiers comme des buffles d’eau. Un vieux Tibétain, grand, maigre, à la peau brune parcheminée, nous aborde timidement. Annick se retourne vers moi en me disant : « Tu viens ? Il nous invite chez lui ! ». La maison construite de bois et de terre est basse. Au plafond, sont suspendues des outres en peau de chèvre contenant du beurre de yack ; sur un pan du mur, collées, sèchent des galettes de bouses. Quatre générations vivent dans cette ferme. Les enfants, portés par la curiosité, s’approchent. Leurs joues sont enflammées par de vilaines gerçures,
leurs fesses aussi (l’entrejambe de leur pantalon est sciemment décousu). Le reste de la famille, qui compte une dizaine de membres, nous observe avec calme et circonspection. Deux femmes à la corpulence solide nous préparent un repas improvisé : pains fourrés à la viande cuits contre les parois de glaise du four dont Annick se délecte et un grand bol de tsampa fait de farine d’orge grillée (un nouveau goût, j’aime !), le tout arrosé d’un thé salé au beurre rance (là, j’aime moyennement). Nous sommes les seuls à déguster ce festin. La famille nous affirme avoir déjeuné plus tôt. [...]