syr-daria

Ouzbékistan-Boukhara et Samarcande

[...] Sur la route entre Boukhara et Samarcande, allongé de part et d’autre de la route, le vert des champs de coton ressemble à un décor de papier peint dont les frises sont de vieilles pancartes glorifiant l’union entre les peuples et les canaux d’irrigations s’entrecroisent comme des barreaux aux fenêtres.

L’amer goût de l’échec

La vision onirique de Samarcande, rougeoyante dans une fin d’après-midi ensanglantée, me rappelle au présent.
    Samarcande, la perle de la Route de la soie, carrefour des caravanes et centre spirituel. Dans son écrin de sable, ce joyau taillé, poli par les millénaires et les civilisations qui s’y sont succédées conserve un éclat et une attraction inimitables. 

   La culture intensive du coton assoiffe les fleuves Amou-Daria et Syr-Daria qui peinent à alimenter la mer d’Aral. Sa disparition est programmée et son agonie ne devrait pas dépasser les vingt prochaines années. Simple voyageur, je suis le témoin impuissant de cette catastrophe écologique. J’enrage. Je déteste mes contemporains comme moi-même... Je pense à d’autres pays où j’ai été confronté à d’autres désastres causés par les humains.

Dés le lendemain, je commence ma visite de la ville par le tombeau du cousin du Prophète Mahomet, situé en périphérie. Pour y parvenir, je vais profiter pleinement de l’ambiance des rues de Samarcande.
    Un carambolage d’odeurs court au devant du brouhaha du marché couvert. Exacerbée par la chaleur, il émane des étals une bousculade du sensuel arôme des épices, du mielleux parfum des confiseries et de la fugace odeur des fruits et légumes fraîchement cueillis. Tout près, le coin des bouchers est organisé autour d’une fontaine. Enfermées dans un enclos, les bêtes attendent le couteau qui va les saigner. Choisi par le client, l’animal est aussitôt abattu, dépecé, équarri. La viande séparée des abats, les tripes frémissantes semblent vouloir s’échapper de leur sac en plastique transparent. Suspendue à un crochet, la tête de la chèvre immolée me fixe de ses yeux dorés. Fasciné, j’évite au dernier moment le caniveau emportant poils, plumes, verdures fanées. Furtivement, un chien anxieux lape les eaux rougies par le sang frais. Les barbecues de chachliks grésillent. A l’écart de la fumée, des adolescents crapotent une cigarette maladroitement roulée. Les marchés sont les estomacs des villes : tout ce qui peut être digéré est là. [...]