Chine-L'armée de terre de l'empereur Qin

Pouvoir, ô pouvoir, donne moi l’élixir de la vie éternelle !  Mon mausolée va-t-il me garantir de revenir du monde des ténèbres et protéger mon âme des esprits maléfiques ?

    Je demeure perplexe à la vue de grandioses nécropoles. Tant d’énergie, de ressources employées pour la construction de tombeaux de simples mortels élevés en divinités m’interroge sur la considération que ces faux dieux pouvaient avoir pour leurs sujets. La recherche de l’immortalité obsède les puissants. Dans le genre la nécropole de l’empereur Qin Shi Huangdi (ou Ts’in qui par dérivé donna son nom à la Chine) [...]

   A ses débuts Zheng Ying est roi de Qin, un état situé au nord-ouest de la Chine. Ambitieux, il fait la conquête des six autres royaumes chinois, les unifie et construit sur ces bases le premier Empire de Chine. En deux cent vingt et un avant notre ère, le nouveau maître prend le titre de « Premier Auguste Souverain », Shi Huangdi, et s'associant aux dieux, devient le Fils du ciel. Dès lors, Qin Shi Huangdi, empereur du royaume du Milieu, devient le seul et unique objet de culte et de vénération pour son peuple.

Allant jusqu’au faîte de sa mégalomanie, Qin Shi Huangdi ordonne la construction d’un mausolée hors du commun qui lui garantira une protection dans l’au-delà digne sa personne : une armée de huit mille statues, qui va demander trente-huit ans de travail à sept cent mille ouvriers, artisans et artistes ! La concrétisation de leur savoir-faire est aujourd’hui considérée comme la huitième merveille du monde et déclarée patrimoine culturel de l’humanité.

    D’une main de fer, il impose un système pénal, organise son Empire en provinces, crée une monnaie unique, standardise l’écriture, la langue, les poids et les mesures et mobilise trois cent mille soldats, qui, avec le renfort d’un demi million de paysans, vont raccorder les tronçons de murs existants pour former la première Grande Muraille, fortification titanesque s’étendant du centre de la Chine jusqu’à la Corée. Tyran paranoïaque et suspicieux, l’auguste (donc sacré) souverain, adepte du légisme, ordonne de surcroît l’assassinat de ses ennemis confucéens et fait brûler leurs livres. Cette exaction inspirera Mao qui déclarera près de deux mille ans plus tard : « Brûlons les livres et enterrons les lettrés ».

    Depuis l’aube de l’humanité, les despotes l’entachent de son sang.

L’armée, qui a été dégagée de la terre qui la recouvrait par une autre armée d’archéologues, est protégée sous un immense abri.

    Je suis ébahi devant la démesure et le réalisme du site.

    Ces soldats en ordre de bataille, où tous les corps sont représentés, sont particulièrement saisissants par le fait que chaque visage a une expression différente. La réalisation est si fine que les traits, les moustaches, les barbes permettent à ces statues, du haut de leur un mètre quatre-vingt, d’avoir une personnalité palpable. A l’origine peintes, les statues découvertes récemment lors de la construction d’un puits ont perdu leurs couleurs et portent encore les traces des feux allumés par le peuple opprimé lors de sa révolte contre l’empire.  

    L’éphémère dynastie Qin s’est éteinte trois ans après la disparition de son fondateur, laissant place à celle des Han.

    De retour à Xi’an, Lhamo m’aide à descendre mes sacoches. Je charge la moto, prête pour le lendemain.

    Et au matin, arrosé et béni par les moines, je m’en vais vers Pékin.

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