Chine

Chine-Le monastère de Labrang

 [...] Le lama doit refermer le temple, j'apprends qu'il ne l'a ouvert que pour moi. C'est une situation étrange, comme l'évidence d'un passage attendu. Mon regard prudent reste interrogateur, le sien est paisible, un sourire se dessine sous sa mine faussement austère. Nous nous quittons d’une simple et franche poignée de main.

Xiahe la Tibetaine

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Chine-Où la terre se mêle aux nuages

    [...] Le lendemain, dans les montagnes aux doux sommets tendus de velours vert, sur le plateau se fondant dans la brume, je joue avec des yacks familiers comme des buffles d’eau. Un vieux Tibétain, grand, maigre, à la peau brune parcheminée, nous aborde timidement. Annick se retourne vers moi en me disant : « Tu viens ? Il nous invite chez lui ! ». La maison construite de bois et de terre est basse. Au plafond, sont suspendues des outres en peau de chèvre contenant du beurre de yack ; sur un pan du mur, collées, sèchent des galettes de bouses. Quatre générations vivent dans cette ferme. Les enfants, portés par la curiosité, s’approchent. Leurs joues sont enflammées par de vilaines gerçures,

leurs fesses aussi (l’entrejambe de leur pantalon est sciemment décousu). Le reste de la famille, qui compte une dizaine de membres, nous observe avec calme et circonspection. Deux femmes à la corpulence solide nous préparent un repas improvisé : pains fourrés à la viande cuits contre les parois de glaise du four dont Annick se délecte et un grand bol de tsampa fait de farine d’orge grillée (un nouveau goût, j’aime !), le tout arrosé d’un thé salé au beurre rance (là, j’aime moyennement). Nous sommes les seuls à déguster ce festin. La famille nous affirme avoir déjeuné plus tôt. [...]

Chine-Aux portes du Tibet

Je suis fugacement tenté par l’idée qu’étant aux portes du Tibet, je pourrais y aller et retourner en France par l’Inde. Un voyage sur la terre de Bouddha, juste pour voir, non ? Non, pas cette fois-ci mais lors d’un pèlerinage, peut être… Le voyage a sa volonté que la raison ignore.

Le ciel laiteux s’obscurcit de gros nuages noirs poussés par un vent violent. L’orage s’annonce ; il éclate soudain et furieux.

De retour au monastère, j’assiste à un spectacle qui m’entraîne un peu plus loin dans cette dimension spirituelle de l’Asie. Installés sur la place du débat, sont réunis des ascètes de tous âges. Leurs coiffes jaunes comme autant de têtes de poussins se prosternent cérémonieusement. Le grand maître s’avance, s’assied, préside. Chacun va lui poser sa question pour parfaire une éducation complexe et enrichir sa méditation sur sa destinée, le temps, l’espace et le sens de sa vie. Je profite de ce calme et de ma solitude loin des pirates de mon temps. Je laisse errer à l’aventure mes pensées débridées, enfin libéré de ces autres qui voudraient m’empêcher de vivre ma vie.

Le jour s’achève, l’ombre s’avance sur la place, la paix de la nuit descend sur la terre.

Chine-De Labrang à Xian

   En périphérie de la métropole aux flambants gratte-ciel de verre, le monde paysan semble peu profiter de l’essor novateur de la mécanisation. Les fermes disséminées sur les berges du fleuve sont de pauvres huttes rondes couvertes de chaume aux étroites fenêtres. Des femmes s’affairent autour d’un foyer allumé en plein air, pilent des graminées dans un récipient de bois contenant la quantité nécessaire pour la consommation quotidienne. Des enfants à moitié nus retiennent des volailles, canards, et oies, sur les pentes boueuses des rives. Un portefaix courbé par le fardeau de son balancier s’annonce sur le sentier. Un agriculteur agrippé aux mancherons d’une charrue tiré par un bœuf scarifie le sol d’une petite parcelle de terre ocre. M’apercevant, l’homme crie à sa bête de somme, soulève le soc de l’araire et interrompt son sillon. Il répond à mon bras levé d’une paume de main hospitalière. [...]

[...] Gérard, un ami d’Annick, m’avait parlé de cette Chine à deux vitesses à l’image de cette ville ultramoderne aux taudis sales et miteux dans les rues adjacentes, aux campagnes utilisant des outils du dix-septième siècle où errent des mendiants sans but, traversées par de luxueuses berlines aux occupants déjà gros.
    Tout en roulant, je me rassure en chantant à tue-tête les paroles d’un homme de bien et motard, Coluche [...]

Chine-Xian, ville impériale !

    [...] Accompagné de Lhamo, cet homme à la stature imposante (il doit mesurer dans les un mètre quatre-vingt-dix) et au visage nimbé de sagesse semblant toujours un peu en méditation, je vais découvrir Xian à travers sa communauté tibétaine et plonger dans des pratiques où fusionnent la voie contemplative et les rites magiques.

   Nous nous comprenons plus par signes que par la parole mais cela nous est égal et nos quiproquos débouchent souvent sur de franches rigolades. Je ne choisis pas mes amis, ils viennent et vont, semblables à des notes sur la portée des rencontres. [...]

  [...] La promenade dans la ville est agréable sous les arbres bordant de larges avenues rectilignes, des fontaines aux parterres de fleurs multicolores ajoutent une note rafraîchissante dans la chaleur de ce mois d’août. Xian, patinée par l’Histoire, conserve les vestiges de son passé : le matin, comme au quatorzième siècle, sonne de la Tour de la cloche l’ouverture des portes de la ville et en fin d’après midi, celle de la Tour du tambour en ordonne la fermeture. Métropole impériale durant onze siècles, Xian doit sa renommée à son commerce de la Route de la soie, mais aussi et surtout au fait d’avoir été la première capitale, deux cents ans avant J.C., d’une Chine unifiée par son premier empereur, Qin Shi Huangdi, connu jusqu’en Occident pour avoir été enterré avec ses soldats pétris en terre cuite. [...]