Turkménistan-Désert station

 [...] J’aperçois une dernière fois les remparts de l’antique Merv. Dans mon rétroviseur, je la vois s’éloigner puis disparaître dans l’horizon, persuadé d’avoir construit dans son enceinte une partie de moi-même. En proie à un chagrin indéfinissable, je me console par la beauté de l’aurore finissant de se déployer sur le désert. Parfois, parallèle à la route, les eaux étincelantes du canal du Karakoum apparaissent comme un mirage dans cet espace sablonneux. Ce canal d’irrigation provenant du fleuve Amou-Daria (et qui participe ainsi activement à l’assèchement de la mer d’Aral) arrose champs de cotons et délires de jungles artificielles de Niazov.

Désert station
 

   Soif et sueur, sur lesquelles dansent dauphins et sirènes au rythme des clignotants de la moto, m’imposent un arrêt. Le soleil est au zénith. Le diable en a emporté les contours.

    « Miam, miam, miam » me susurre le moteur du réfrigérateur.
    Placé à l’intérieur d’une remorque à soda ambulante, il peine amèrement à en refroidir le contenu.
    Les camions de marques russes remplacent les Mack et les Lada, les Chevrolet, mais l’ambiance est la même qu’en Arizona : une route rectiligne traversant le désert, une station d’essence/réparation, un parking gagné par le sable et une bâtisse bar/restaurant/hôtel construite de briques assemblées d’un mortier rapide.
    Sous la véranda à la structure déglinguée, allongé sur la table-lit, je suis un océan de sueur. Je referme les yeux, imagine un peu de fraîcheur. Bien au contraire, j’ai l’impression d’être un œuf bousculé par l’eau d’une casserole portée à ébullition.
    « Miam, miam, miam, je mâche l’air brûlant… Je continue à fonctionner, ne t’endors pas… »
    Un regard aux alentours, l’asphalte du parking grelotte de chaleur. Le poteau électrique de fin de ligne s’effiloche. La moto au bout de sa béquille s’enfonce lentement et sombre dans le bitume. L’air, matérialisé en d’étouffants foulards, peine à s’engouffrer dans mes poumons. Sous la véranda humains et animaux sont figés de chaleur. Rien ne bouge, pas un bruit, pas un souffle. [...]
    Le désert du Karakoum est sans pitié.

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